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Source : http://www.bollore.com
Bolloré et les dictatures d’Afrique
Le cas du Congo-Brazzaville
Le
Congo-Brazzaville est le théâtre d’une guerre civile marquée en
octobre 1997 par la victoire et le retour du général
Denis Sassou Nguesso (Sassou II [7]).
Malgré le rejet des électeurs congolais, Sassou se retrouve à nouveau
au pouvoir
grâce à une alliance de soldats et miliciens recrutés sur critère ethnique,
de forces étrangères
(Angolais, Tchadiens, la garde présidentielle zaïroise et l’ex-armée
rwandaise), et de mercenaires, notamment français [8].
Quant aux relations économiques, au moment où son isolement aurait dû
rester total,
Sassou les trouvera essentiellement, en dehors de la société Elf, auprès
de Pierre Aïm et de Michel Roussin,
respectivement « poisson pilote » et « Monsieur Afrique »
du groupe Bolloré.
Sassou
laisse s’instaurer la terreur, perpétrée par ses miliciens, auprès
des populations originaires du sud du pays.
Tout au long de l’année 1998 se multiplient les exactions :
des villes et des villages sont bombardés,
des habitations incendiées, des civils tués. Une partie de la population
doit s’enfuir dans les forêts et les grottes avoisinantes.
L’année 1999 verra jusqu’à 500 000 [9]
civils fugitifs ; une part non négligeable est morte de faim et de
maladie dans la forêt.
Le pouvoir congolais, avec l’aide de ses alliés, se lance dans une
« reconquête » féroce du sud de la capitale et du pays.
On assiste à un déchaînement de violences à l’encontre des populations.
D’après une mission de l’ONU, en avril 1999, les villes de
Nkayi et Dolisie ont été les cibles d’un nettoyage ethnique.
Massacres et mise en fuite des habitants ont eu pour résultat de faire
passer la population de 120 000 à 3 500 personnes.
Entre décembre 1998 et décembre 1999, il y a eu probablement plus de morts
au Congo-Brazzaville que dans les conflits du Kosovo,
du Timor oriental et de Tchétchénie réunis [10].
Bolloré n’a pas seulement
été le partenaire commercial de Sassou, il a profité de l’isolement
international
d’un régime criminel pour accroître des positions rentières au cœur
de l’économie congolaise.
Rachat du groupe Delmas Vieljeux en 1996 |
Cette attitude néfaste
du groupe Bolloré et de son représentant local à Brazzaville, Pierre Aïm,
a conforté le dictateur Sassou dans la guerre ethnique entreprise contre
la majorité de la population du pays.
Avec
le rachat du groupe de transport Saga de Pierre Aïm, Bolloré s’est
ouvert un portefeuille de contacts
avec les dictateurs africains les moins fréquentables dont le Congolais
Sassou Nguesso et le Tchadien Idriss Déby.
Il renforce aussi ses liens avec le monde des services secrets. Il recourt
aux compétences de Jean Heinrich
(ex-patron fort courtisé de la Direction générale des renseignements militaires),
et s’associe très étroitement à Michel Roussin,
haut retraité de la DGSE et ancien ministre français de la Coopération.
Pierre Aïm, « éclaireur »
de Bolloré [11], est en affaires à haut
niveau avec une bonne partie de la coalition pro-Sassou.
Il n’ignore pas la voie des armes : sa société Saga était accréditée
Défense. Elle participait au transport du matériel militaire
vers les bases françaises en Afrique.
Cet
investissement forcené au Congo-Brazzaville est lié au sort des armes.
Dès lors, on ne peut passer sous silence l’assertion de
La Lettre du Continent (15/07/1999) selon laquelle « Le
projet ADES (aide et sécurité) intéresserait le groupe Bolloré
pour la sécurisation du CFCO (Chemin de fer Congo-Océan) ».
Bolloré, Aïm et le clan
Nguesso multiplient les montages financiers dans les domaines de la logistique
et du transport.
Le soutien au régime Sassou II se traduit par le développement d’entreprises
où l’on place des membres de la famille du dictateur.
Fin 1998, à l’initiative
de Pierre Aïm, une société de droit luxembourgeois est remise en activité :
la Société Congolaise de Transport Maritime (SCTM). Par les arrêtés n° 98-11
et 98-12,
l’État congolais s’est arrangé pour concéder à cette société
privée dirigée par le neveu de Sassou,
Willy Nguesso, 40 % des droits du trafic maritime. Ce qui peut représenter
jusqu’à 100 000 $ par jour vu
le fort tonnage d’enlèvements pétroliers, et permet ainsi de donner
le maximum de garanties aux préfinancements
nécessaires pour l’achat de matériels destinés à la poursuite de
la guerre.
Enfin le même type de manœuvres
est réalisé avec la société RAIL dont Pierre Aïm est président, et par
laquelle Bolloré
a acquis le quasi-monopole de l’infrastructure congolaise en matière
de transport et de stockage, de Pointe-Noire à Brazzaville.
GROUPE BOLLORÉ (président : Vincent Bolloré) |
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Liens
financiers
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Liens
politiques
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Rachat du groupe
SCAC
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Rachat du groupe
Rivaud en 1996
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30 % (en juillet
2000) de la holding Rue Impériale de Lyon
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6 % du capital
de Pierre et Vacances en juillet 2000
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Rachat de la Saga
de Pierre Aïm, qui renforce le contact avec les régimes marocain,
ivoirien, tchadien, congolais, …
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5 % du capital
de la Seita en juillet 2000
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J.Y Ollivier, homme
d’affaires, proche de M. Roussin et conseiller de D. Sassou
Nguesso
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Michel Roussin, ancien
ministre français de la Coopération, retraité de la DGSE et de la
gendarmerie
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Claude Bébéar, patron
de l’assurance AXA, et président du club « Entreprise
et cité ».
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Antoine Bernheim,
grand patron français
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François David, président
de la Coface
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Liens politiques
avec les libéraux : Gérard Longuet
(son beau-frère), Alain Madelin ou François Léotard |
Jean-François Charrier,
ancien colonel, membre des réseaux africains de la Mairie de Paris
|
Jean Heinrich, ancien
patron de la Direction générale des renseignements militaires
|
Aux confins du Cameroun,
de la République centrafricaine, du Congo-Brazzaville et du Gabon, subsiste
la forêt guinéo-congolaise,
l’une des forêts équatoriales les plus précieuses, un écosystème
unique par sa biodiversité. Des communautés locales
(pygmées et bantoues) en vivent. La région doit être protégée d’une
exploitation non discriminée.
Bolloré, en rachetant le groupe
Rivaud, a acquis notamment deux grandes sociétés forestières au Cameroun :
la Sibaf à la frontière
du Congo-Brazzaville (dont le site pittoresque a l’immense privilège
de recevoir l’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing,
pour ses parties de chasse en forêt), et la Société HFC/Forestière
de Campo, dans la province de l’Océan, à la frontière
de la Guinée Equatoriale.
Au Cameroun, l’exploitation
de la forêt est désas-treuse : la forêt littorale
est quasiment épuisée, les routes fractionnent
la forêt primaire, aucune essence [12] coupée n’est replantée
et l’exploitation vers l’est du Cameroun s’effectue
maintenant à plus de 1 000 kilomètres de la côte. Si cette tendance ne
s’inverse pas, toute la forêt primaire aura disparu
dans une échéance de 5 à 10 ans. Ceci pousse les exploitants forestiers
vers le Congo-Brazzaville et le Centrafrique.
Prenons
l’exemple de la société HFC/Forestière de Campo. Elle exerce ses
activités dans une réserve de 237 000 hectares.
Elle en a déjà exploité 137 000. Le groupe Bolloré y possède :
* deux scieries dont une spécialisée dans les traverses de chemin de fer,
* le port de Campo, un port privé où viennent charger les bateaux de Delmas (filiale de Bolloré),
* sur le fleuve Ntem, frontière entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale,
se trouve l’île de Dipikar, classée au Patrimoine
mondial par l’UNESCO, ce qui n’a pas empêché le groupe Bolloré
d’opérer des coupes de bois jusqu’à ce que les pressions
de la Banque mondiale (en particulier sur le gouvernement camerounais)
fassent cesser ces activités.
La
présence du groupe Bolloré au sein de la Forestière de Campo, et ses méthodes
de gestion, posent des problèmes
d’ordre écologique, social et culturel.
Au niveau écologique, l’écosystème
est loin d’être préservé.
Il s’agit d’une exploitation intensive de quelques essences
recherchées sur le marché international.
Les conséquences des coupes de bois sur le renouvellement de la faune
et de la flore sont désastreuses.
Au
niveau social, on constate que l’exploitation des forêts oblige
à des déplacements de populations.
Leur sécurité alimentaire est compromise par la coupe d’essences
comme le moabi (Bailonnella toxisperma)
dont les fruits fournissent la seule huile alimentaire disponible en forêt.
Ajouté au braconnage à grande échelle
[13] qui compro- met la chasse
vivrière, ce type d’exploitation forestière
(qui supprime les plantations vivrières traditionnelles) pousse les populations
locales à
une dépendance envers les aliments importés (riz, poulet…).
Des essences utiles à la
pharmacopée (comme l’Iroko, Chlorophora excelsa) sont surexploitées.
Enfin le développement de la prostitution, de maladies comme le sida,
l’introduction de l’alcool distillé,
sont des conséquences indirectes de l’activité forestière telle
qu’elle est pratiquée.
Des accords ont été passés
avec les villages riverains de la Forestière. Ils n’ont jamais été
respectés,
notamment à cause des passe-droits obtenus d’un gouvernement
et d’une administration particulièrement corrompus.
Ainsi « l’attribution récente de nombreuses concessions
et de ventes de coupe a été faite en violation de la réglementation
et en contradiction avec les projets financés par les bailleurs de fonds.
La concession accordée à la HFC/Forestière
de Campo, filiale du groupe Bolloré dans la réserve de Campo, gérée par
le Fonds pour l’environnement mondial (GEF)
et l’aide bilatérale néerlandaise, en est un exemple » [14].
La société HFC/Forestière
de Campo refuse aux villageois l’accès aux dépôts de déchets de
bois.
Il n’y a aucune politique de valorisation des déchets :
ceux-ci brûlent en permanence avec dans
le même tas les bidons en plastique de pesticides utilisés pour le traitement
du bois.
Enfin on note l’existence de conflits entre populations
et exploitants, car certaines essences commercialisées ont
une valeur culturelle : comme le Bubinga (Guibourtia demensis),
arbre qui attire les abeilles (important pour la récolte de miel)
et au pied duquel les villageois viennent régler leurs conflits. Malheureusement
pour les villageois, ce bois a aussi
une très grande valeur commerciale.
L’absence de gestion
rationnelle et respectueuse de l’environnement, de la
Forestière de Campo
par le groupe Bolloré a donc des conséquences dramatiques sur les forêts
(la faune et la flore), mais également sur la population.
Des infractions ont d’ailleurs été relevées récemment sur la société
Sibaf (la seconde société forestière au Cameroun
appartenant au groupe de Bolloré). Le groupe Bolloré a été condamné à
une amende de 60 000 FF.
Mode d'emploi de la campagnePour participer à cette campagne, il suffit de signer et faire signer par d'autres les lettres destinées à Jacques Chirac, Marylise Lebranchu et Dominique Voynet. Attention : la lettre adressée à Jacques Chirac est en franchise postale. N’oubliez pas d’envoyer à Survie vos coupons de participation à la campagne. Pour approfondir les questions abordées, vous pouvez vous référer au Dossier noir n° 14, Le silence de la forêt. Réseaux, mafias et filière bois au Cameroun. Et au Dossier noir n°15, préparé par Pierre Caminade, Bolloré : Monopoles services compris. Tentacules africains. |
[2.
Rappelons que la banque Rivaud (« banque du RPR ») a été mise
en examen en 1997 par le juge Ribault en tant que personne morale. Le
Parquet de Paris a fait appel
de cette mise en examen et obtenu l’annulation de la procédure.
Les documents les plus accablants (dont une note manuscrite décrivant
le circuit de blanchiment) ont été rendus
à la banque qui a obtenu un non-lieu en juin 1999.
[3]. Mais
Vincent Bolloré n’est pas en reste à gauche : l’amitié
de la famille Bolloré avec la famille Mitterrand remonte aux années
1960. Il est présenté à Lionel Jospin en 1996
et connaît bien Dominique Strauss-Kahn et Charles Josselin.
[4]. Entretien de Vincent Bolloré publié dans Jeune Afrique Economie, 20/10/1997.
[5.
Le groupe Bolloré, grâce à sa
filiale Saga et son président Pierre Aïm, grand ami entre autres du
président tchadien Idriss Déby, proposait en 1996 aux compagnies pétrolières
et aux autorités africaines des « package deals » comprenant
non seulement le transport, mais aussi les opérations de sécurité le
long du futur pipeline Tchad-Cameroun
(La Lettre du Continent, 25/07/1996).
[6]. Concernant le port de Douala, Bolloré a repris la concession du terminal à conteneurs grâce à la Socfinco de ses amis Fabri.
[8]. Campagne de Survie « Mercenaires : Halte-là ! ».
[9]. Chiffre donné par les évêques du Congo-Brazzaville dans un communiqué du 21/09/99.
[10. Cf. François-Xavier Verschave, Noir silence, Les Arènes, p. 26-32.
[11].Vincent Bolloré est ravi : « Pierre Aïm
est comme un pêcheur : il ramène dans son filet quelques vieux poissons
qui ne servent à rien et, tout d’un coup,
il vous sort un rouget de roche formidable. [...] Il
nous est très utile. Il joue le rôle de conseil, d’apporteur d’affaires »
(interview à Jeune Afrique, 16/02/1999).
[12]. Une essence d’arbre est une espèce spécifique d’arbre.
[13]. Forte présence des braconniers qui s’attaquent à différentes espèces : éléphants, panthères, buffles, antilopes, primates, perroquets.
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24-11-2002
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