La Françafrique,
paru en 1998, est un brûlot de 400 pages qui visait à
dévoiler les trafics, les corruptions et les jeux d'influences
entre la France et son ancien empire colonial qui se sont établis
ont au cours des années 50 grâce au travail de Foccart,
le conseiller spécial de De Gaulle au sujet des relations néo-coloniales.
Ce sont ces réseaux que l'ouvrage de Verschave souhaite mettre
sous le regard de l'opinion publique afin de briser le silence dont
les médias français sont complices.
François-Xavier Verschave décrit la Françafrique
comme "une nébuleuse d'acteurs économiques, politiques
et militaires, en France en Afrique, organisée en réseaux
et lobbies et polarisés sur l'accaparement de deux ressources
: les matières premières et l'aide public au développement.
La logique de cette ponction et d'interdire l'initiative hors du cercle
des initiés. Le système se recycle dans la criminalisation.
Il est naturellement hostile à la démocratie. Le terme
évoque aussi la confusion, une familiarité domestique
louchant vers la primauté. " (1)
L'ouvrage a eu une portée considérable car il offrait
à tous les adversaires de la Françafrique une somme
considérable d'informations et d'arguments. À son sujet
François-Xavier Verschave a écrit "le livre La
Françafrique, le plus long scandale de la République
a dérangé au-delà des apparences. Certes, il
a eu droit au silence de cette partie majoritaire des médias
qui, par compromission, laissent se prolonger le scandale. Mais le
bouche à oreille a fonctionné. En France, l'ouvrage
réimprimé cinq fois a été vendues à
plus de 15 000 exemplaires ; il a conforté la minorité
de responsables, politiques ou autres, décidés à
combattre ce scandale ; il a déclenché l'ire de Charles
Pasqua et donc subi, au printemps 99, l'épreuve d'un procès.(2)
À l'occasion de la parution François-Xavier Verschave
a été poursuivi pour diffamation par Charles Pasqua
qui avait saisi la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris
pour "diffamation publique envers un membre du gouvernement,
en tant que ministre de l'intérieur " (3).
Il réclamait 5 MF de dommages intérêts à
Verschave ainsi qu'à son éditeur.
Charles Pasqua est accusé dans l'ouvrage d'avoir pris part
à l'échange du terroriste Carlos, établi à
Khartoum, aux policiers de la D.S.T le 17 août 1994 par le régime
islamiste du Soudan en échange d'un appui aux opérations
de nettoyage ethnique du régime soudanais. Verschave assure
selon un témoin que quinze jours avant l'arrestation de Carlos
et peu après, l'éminence grise du régime islamiste
de Khartoum, Hassan Tourabi, soit venu voir Pasqua à Paris.
Ce dernier lui aurait assuré que le régime de Soudan
ne serait pas expulsé du FMI. Verschave l'accusait également
de "mener à l'aide de ces réseaux personnels, sa
propre politique africaine et arabe ".
Lors du procès Pasqua a reçu l'aide de l'ancien directeur
de la DST, Porant, qui a témoigné que les discussions
n'ont jamais abordé la question du nettoyage ethnique. Edmond
Alphandéry, un ancien ministre de l'économie a témoigné
en sa faveur tandis que Michel Roussin, ancien ministre de la coopération
a assuré que M. Pasqua "n'était en aucune manière
partie prenante à la politique étrangère de la
France ".
Au terme du procès François-Xavier Verschave a été
condamné à verser 1 franc de dommages et intérêts
à Charles Pasqua. " Le tribunal nous a donné raison
sur toute la ligne, sauf un point : il m'a reproché un défaut
de prudence dans l'expression, lorsque j'ai attribué au seul
Charles Pasqua la responsabilité du soutien français
au régime soudanais responsable de 2 millions de morts, alors
que cette responsabilité était en fait celle de l'ensemble
de l'exécutif français (4). Le fait
que toutes les autres personnes incriminées dans l'ouvrage
se soient abstenues de contester en justice ce qui leur était
reproché est pour François-Xavier Verschave la preuve
de la validité de ses propos.
(1)
La Françafrique, p.175.
(2)
Noir Silence, p.9.
(3)
Le Monde, "L'auteur de la " Françafrique "
poursuivi en diffamation à la demande de M. Pasqua", 3/03/99.
(4)
L'Humanité, Jean Chatain, 28/12/00