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Objectif initial : une loi pour la survie et le développement


Au moins 35 000 enfants meurent chaque jour de malnutrition ou de maladies curables. C'est ce qui a provoqué l'appel des Prix Nobel : ".. Il faut que tous et chacun donnent valeur de loi au devoir de sauver les vivants, et de ne pas exterminer, que ce soit même par inertie, par omission ou par indifférence ". Les réponses charitables sont dramatiquement insuffisantes : il s'agit d'un problème politique, qui suppose de réveiller la résistance des citoyens face au déni des valeurs les plus élémentaires.


Histoire d'une proposition de loi

Suite à l'appel des Prix Nobel, des collectifs civiques se constituent en Europe (Belgique, Italie, France, Espagne) avec un double objectif : inscrire dans la loi des mesures nouvelles pour la survie et le développement des populations victimes de l'extrême misère ; renforcer et améliorer ce qui, en principe, constitue déjà l'effort collectif en ce sens, l'Aide publique au développement (APD).


A la suite de campagnes d'opinion, des lois sont votées en Belgique (1983) et en Italie (1985) mobilisant des crédits considérables (plus de 10 milliards de F.). En France, les citoyens ont d'abord sollicité leurs élus les plus proches : leurs maires. Dès 1984, plus de 8 000 maires ont demandé le vote d'une "loi pour la survie et pour le développement", dotée d'un millième du PIB français et d'un calendrier précis. Ils participent nombreux à des Assises régionales et nationa-les (1984-85) ; beaucoup s'engagent dans la coopération décentralisée. Une "marche des maires" jusqu'à Paris as-socie 200 d'entre eux - certains parcourant plus de 500 km. Mais, dans une France jacobine, le poids des élus locaux s'avère bien léger pour les pouvoirs et les médias parisiens.


Survie choisit donc, en 1986, de s'adresser aux députés, et de renforcer le contenu de ses propositions, en conviant à cet effet un groupe d'experts, représentatifs de réseaux très divers. Ce groupe élabore puis adopte, 18 mois plus tard, le projet d'un "contrat de génération" fondé sur le parte-nariat. Un premier travail de sensibilisation est réalisé auprès des députés : fin 1987, une majorité d'entre eux (312) ont signé l'engagement à voter une loi pour la survie et le développement. En 1988, les Prix Nobel viennent à Paris : avec eux, Survie allume 40 000 bougies dans les jardins du Palais Royal pour rappeler que près de 40 000 enfants sont à sauver chaque jour. Le 22 avril, juste avant l'élection présidentielle, 20 000 personnes relaient cette opération dans 200 villes et villages de France.


En 1989, cinq députés, issus des cinq groupes de l'Assemblée (PC, PS, RPR, UDC et UDF) rédigent une proposition de loi "relative à la lutte contre la faim et pour le développement des régions très défavorisées", correspondant aux objectifs de Survie et aux modalités précisées par le groupe d'experts. En 1992, après un patient travail de conviction civique, ce texte est souscrit par une majorité de députés. Ils sont 72 % fin 1993. Le football français les en-courage : plus de 500 joueurs participent le 20 novembre 1993 à l'opération "Un but : le développement ", demandant que la proposition de loi soit inscrite à l'ordre du jour. Leur délégation va à Matignon porter au Premier ministre 42 ballons "Loi Survie, signés par toutes les équipes françaises de 1° et 2° divisions.


Rien n'y fait : la coopération française est en plein naufrage - du soutien aux milices claniques à la couverture de trafics mafieux. Elle n'est plus réparable sans un réexamen complet du système franco-africain. Le projet d'une loi pour la Survie et le Développement vise à affecter un millième des ressources françaises (7 milliards de F./an) au premier développement de régions ou de populations particulièrement vulnérables à la malnutrition, à la maladie et aux dégradations écologiques .


Comment faire en sorte qu'il ne s'agisse pas seulement d'une relance quantitative de l'Aide publique au développement (APD), dont 99% n'atteint pas les populations les plus déshéritées ? En inscrivant dans la loi une double novation :

- l'introduction d'un nouveau pilier de la politique française de coopération, le développement local partenarial, mis en oeuvre grâce à l'entrée en jeu d'acteurs non-gouvernementaux ou de terrain, groupés et cofinancés, selon une procédure de contractualisation pluriannuelle ;

- l'institution d'un dispositif léger - par exemple une " Agence française du développement territorial et partenarial " - sorte de " plaque tournante" chargée de coordonner l'action sur les régions concernées : elle mobiliserait les nombreux acteurs potentiels, renforcerait la cohérence et la compétence de leurs interventions, articulerait ces dernières avec celles des dispensateurs traditionnels de l'aide publique.


Pour plus d'informations sur les attendus et l'approche proposée (ainsi que les méfaits de l'APD actuelle), on peut consulter :
- Claude Marchant (pseudonyme collectif du groupe d'experts réuni par Survie), Nord-Sud : de l'aide au contrat. Pour un développement équitable, Syros, 1991 ;
- Réarticuler le développement. Cultures et institutions du partenariat, Forum européen pour un Contrat de génération Nord-Sud, Actes du Colloque de juin 1992 à Bruxelles ;
- Anne-Sophie Boisgallais et François-Xavier Verschave, L'aide publique au développement, Syros, 1994 (notamment le ch. 7) ;
- Billets d'Afrique etd'ailleurs..., lettre mensuelle éditée par Survie depuis 1993.


Deuxième objectif : Ramener à la raison la politique africaine de la France

A partir de 1992, Survie a peu à peu constaté l'impossibilité de faire inscrire à l'ordre du jour une proposition de loi - soutenue par une forte majorité de députés, un très large éventail politique, ainsi que de nombreuses personnalités et associations, de tous ordres - qui visait seulement à rendre efficace, et conforme à ses objectifs, un septième de l'Aide publique au développement (APD). Par-delà les députés et les experts, nous découvrions le système clientéliste franco-africain, cette Françafrique néo-coloniale, ce Paris-village du continent africain dont le degré de corruption ne cessait de nous surprendre : un nombre restreint de décideurs politiques et économiques ne voulaient pas qu'on touche à l'APD... parce qu'ils " touchaient " - parce que les trafics avec l'Afrique étaient, pour certaines écuries politiques, une source de financement considérable - ce qui avait multiplié les moyens de chantage. Pour débrider le mal, Survie résolut à l'automne 1993 de lancer une lettre d'information mensuelle sur les dévoiements de l'APD, Billets d'Afrique et d'ailleurs.


En mars 1994, Survie éditait un n° spécial de Billets d'Afrique sur les exactions du régime Habyarimana. Nous ne pensions pas qu'un mois plus tard se déclencherait au Rwanda le troisième génocide du XXe siècle (après ceux déclenchés par les Jeunes Turcs contre les Arméniens, et les nazis contre les Juifs et les Tziganes). Nous ne soupçonnions pas à quel point la France y serait impliquée, soutenant le camp du génocide bien longtemps après le déclenchement de celui-ci . Engagés avec d'autres associations dans une mobilisation contre cette dérive tragique de la politique franco-africaine, nous ne pouvions imaginer que notre pays s'empresserait de récidiver en s'alliant avec le régime intégriste, raciste et massacreur du Soudan, ni qu'il renouerait dans la foulée avec le maréchal Mobutu, démolisseur du Zaïre, et son émule le général togolais Eyadéma. La politique africaine de la France, dont nous dénoncions déjà les errements et les "copinages", basculait dans le sordide. Pire encore, il apparaissait que, livrée à plus d'une dizaine de réseaux, clans et lobbies, elle échappait désormais à tout contrôle - telle une centrale de Tchernobyl dont les matières fissiles entreraient en divergence. Il était impossible de développer dans un tel contexte une coopération crédible.


Il nous fallait adapter notre stratégie à la situation. En septembre 1994, nous décidions de nous atteler à une tâche préalable : exiger que la politique de la France envers le continent africain retrouve un minimum de contrôle démocratique et de respect des principes républicains. Nous avions conçu une sorte de projet architectural (la loi Survie et le " contrat de génération "), mais le terrain se révélait pourri : il fallait donc creuser plus profond avant d'ériger - quitte à avoir, un temps, l'impression d'aller en sens inverse du but à atteindre.


Survie s'est donc associée à une dizaine d'autres organisations pour constituer une " Coalition pour ramener à la raison la politique africaine de la France ". Co-animée par Survie et Agir ici, cette Coalition a organisé lors du Sommet franco-africain de Biarritz une qui a connu un écho notable . Puis elle a publié, durant les cinq derniers mois de la campagne présidentielle, cinq Dossiers noirs de la politique africaine de la France . Les objectifs et le fonctionnement de la Coalition seront redéfinis après l'élection présidentielle de mai 1995. Quoiqu'il en soit, Survie a décidé d'exercer une vigilance et une pression constantes sur les premières initiatives du dispositif franco-africain mis en place par le nouveau Président de la République.


Billets d'Afrique continuera d'être l'un des instruments de cette action. Cette lettre exerce déjà un rôle dissuasif non négligeable, en coopération avec les nombreux amis ou alliés, d'Afrique ou d'autres continents, que Survie s'est trouvé depuis plus de dix ans. Le renforcement de ce réseau ouvert, aux objectifs publics et parfaitement avouables (information, démocratie, respect des deniers publics, refus de la fatalité de la misère, rejet de l'ethnisme et des crimes contre l'humanité,... ) est une priorité.


Troisième objectif : lutter contre la banalisation du génocide


La réaction de la " communauté internationale " avant, pendant et après le génocide perpétré au Rwanda révèle des brèches dans le rejet de l'abomination. Survie refuse que ce siècle de génocides - Arméniens, Juifs, Tziganes, Rwandais - s'achève en fermant, telle une parenthèse, la revendication :

" Plus jamais ça ! ". Une volonté de gommer la réalité de la Shoah est encore à l'oeuvre 50 ans après la libération du camp d'Auschwitz. De la Bosnie au Rwanda, le négationnisme et l'impunité recommencent à faire des ravages. Les manoeuvres françaises pour protéger les coupables rwandais n'ont pas cessé depuis le printemps 1994 . L'institution de dispositifs internationaux permanents de veille, d'intervention et de sanction, capables de s'opposer aux organisateurs d'exterminations, devient une priorité absolue pour toute l'humanité.


Juvénal Habyarimana, son populisme hutu et son anti-tutsisme - avatars d'un racisme à la Gobineau - avaient séduit ou fasciné des courants très hétéroclites : nationalistes flamands revivant leur combat contre " l'arrogance wallon ; prélats et religieux mal dégagés de la théocratie coloniale, adhérant peu ou prou à un ersatz racial de " théologie de la libération " ; ONG ferventes d'un communautarisme paysan ; républicains ou socialistes français, nostalgiques de la Révolution de 1789 (se dressant, deux siècles plus tard, contre " l'aristocratie tutsie ") ; anthropologues tenants de l'ethnicisme ; géopoli-ticiens et services de renseignement prônant une alliance " naturelle " de la France avec les " Bantous " contre les " Hamites " centrés sur l'Ouganda anglophone ; dictatures africaines inquiètes de la victoire d'une dissidence ; trafiquants d'armes ou de drogues associés à l'akazu (la " cour " de l'ex-Président rwandais) ; etc.

Fort peu de ces soutiens d'un régime en pleine dérive génocidaire ont fait amende honorable, ont cherché à comprendre pourquoi, comment et à partir de quand ils ont fait preuve de complaisance avec l'innommable. Bien au contraire, beaucoup espèrent plus ou moins consciemment que les adversaires du Hutu power commettront des crimes symétriques au génocide des Tutsis, voire y encouragent : cela les " excuserait " d'avoir tant toléré de la part de leurs protégés. Et ils pourraient de nouveau apparaître comme les bons psychiatres d'une folie collective.


D'aucuns attendent la même chose en ex-Yougoslavie : que des dérapages bosniaques fassent oublier l'épuration ethnique commise par les Serbes. Quand deux Casques bleus français sont tués par des snipers serbes, on va jusqu'à inventer rétroactivement que l'un des deux a été tué par un Bosniaque, pour maintenir une " impartialité ". Ce refus de plus en plus fréquent de disqualifier politiquement les auteurs de crimes contre l'humanité est, pour l'humanité, une tendance suicidaire. Il détruit le socle sur lequel ont été édifiés, depuis cinquante ans, les prémices d'une reconnaissance minimale des droits de la personne. Il est la négation même du politique comme art et ambition du ble ". C'est pourquoi il est incompatible avec ce qui fonde notre campagne de citoyens - comme avec ce que la France revendique de meilleur, et à quoi nous nous accrochons. Cela passe notamment par une exigence de justice (pour interrompre le cycle de la vengeance) et une attention toute particulière aux pratiques de désinformation.



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