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Noir Silence. Qui arrêtera la Françafrique?, Les Arènes, 2000, 600p. Pour comprendre la logique d'un monde absurde: la Françafrique. Comment en finir avec un aussi noir silence? La publication de Noir silence a valu à François-Xavier Verschave d'être poursuivi en justice par trois chefs d'Etat africains cités dans son ouvrage. Ce procès, pour "offense à chef d'Etat", s'est conclu le 25 avril 2001 par une relaxe. Pourquoi un nouvel ouvrage après la Françafrique? Lisez notre résumé du procès pour "offense à chef d'Etat"! |
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Noir Silence. Qui arrêtera la Françafrique? Noir Silence, c'est avant tout la continuation de ce que voulait décrire La Françafrique, mais c'est aussi le moyen de montrer que ce n'est pas, comme certains souhaitent le faire croire selon François-Xavier Verschave, de l'histoire ancienne et que les agressions continuent et se renouvellent. " Pour cela, les réseaux et lobbies mutent, comme les virus grippaux. Elf, par exemple, va se cacher sous l'écran Total. Bolloré prend partiellement le relais. Les réseaux se recomposent. On assiste à l'essor des vrais faux mercenaires. Pour en finir avec la confiscation des indépendances africaines, il fallait observer au plus prés les mutations. Ce livre est né de cette nécessité".(1)
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Le précédent ouvrage de François-Xavier Verschave - La Françafrique, le plus long scandale de la République - publié en 1998 avait valu à son auteur un procès diffamation par Charles Pasqua. Il était donc prévisible que suite à la parution de Noir Silence un procès similaire soit tenté à Verschave. Il déclara d'ailleurs : " Nous nous attendions à de telles actions sur Noir Silence, mais vrai dire, je les attendais davantage en France ". Les présidents du Tchad, Idriss Déby qualifié d'" assassin invétéré ", du Gabon, Omar Bongo présenté comme un " dictateur criminel, qui plus et mafieux " et du Congo Brazzaville, Denis Sassou Nguesso accusé de complicité dans l'attentat du DC 10 au-dessus de Térré en 1989 qui a fait 160 victimes et de crimes contre l'humanité dans le cadre de l'exercice du pouvoir, ont déclenché une procédure pour " offense à chefs d'État ". Ceux-ci ont décidé en juin 2000 d'écrire sous la plume de Me Vergès au responsable de la diplomatie française, Hubert Védrine, pour lui demander l'application de la loi de 1880 qui réprime l'atteinte à la dignité de chefs d'État, qu'ils soient français ou étrangers. Les procès intentés par les trois chefs d'État africains ne sont d'ailleurs pas les seules attaques que François-Xavier Verschave a eues sur ce livre puisque deux attaques en diffamation ont été lancées. Une de Jacques Bidalou, ancien juge, qui lui reproche d'être cité dans le livre, ainsi que Arcadi Gaydamak, un ex milliardaire franco-russe qui serait impliqué dans un trafic d'armes en Angola, qui a porté plainte contre Noir Silence. L'affaire devait être plaidée le 20 mars, mais comme le plaignant est en fuite... Nous allons tenter de présenter la polémique mais aussi paradoxalement, le silence qui ont entouré la sortie de Noir Silence. Une plainte pour " offense à chef d'Etat "
La procédure
engagée par les trois chefs d'états africains a été
faite au nom "d'offense à chefs d'Etats " et non pas
au nom de la diffamation. Cette différence a sur le plan juridique
de fortes répercussions puisqu'en matière de délit
d'offenses, la jurisprudence soutient que les preuves sont interdites,
que se soient des témoignages ou des documents pour démontrer
la vérité des faits et pour prouver la bonne foi. À
l'inverse si les chefs d'État avaient porté plainte pour
diffamation, ils auraient eu l'obligation d'apporter les preuves de la
fausseté les affirmations de François-Xavier Verschave.
L'accusation tenta de prendre la défense de l'article 36, "ce texte ne prive personne du droit de contester ou de décrire les comportements publics des chefs d'État étranger. Il n'abolit donc par la liberté d'expression, mais comme beaucoup d'autres textes de la loi de 1880, il en définit les limites. " De plus, le fait que le délit d'offense ne repose pas sur la validité des accusations comme pour le délit de diffamation n'entraîne pas pour l'accusation la condamnation immédiate du prévenu, en effet "la jurisprudence estime que l'intention de nuire n'est pas présumée. L'accusation, dans notre procès, doit faire la preuve de l'élément intentionnel, comme au demeurant celle de l'élément matériel. Les prévenus ont toute latitude de convaincre les juges que les actes poursuivis ont été commis sans la moindre intention de nuire. Indépendamment de la vérité de fait, ils conservent la possibilité de démontrer leur bonne foi " . Les débats se sont portés sur la mise en question de ce délit d'offense. Cette notion est selon Marie-Hélène Aubert "sans véritable définition juridique " et "résulte d'une appréciation aussi subjective que hasardeuse ". À cette occasion Marie-Hélène Aubert a posé une question écrite à la ministre de la Justice sur l'opportunité de maintenir cet article dans le code pénal français: " les auteurs de propos qualifié "d'offensant " pour les chefs d'états étrangers peuvent être poursuivis en France plus sévèrement que s'ils diffèrent mais n'importent quelle autorité constituée, puisque la jurisprudence montre que les offenses peuvent concerner aussi bien la vie, privée ou non, que les fonctions actuellement exercées et qu'aucune n'est prévue ". Celle-ci a demandé son abrogation, qualifiant la loi de "désuète et dangereuse", elle a fait valoir qu'elle aurait permis à des tyrans comme Milosevic de "faire poursuivre leurs détracteurs en France par les tribunaux français ".
La défense adoptée par François-Xavier Verschave
Ils ont tout d'abord
tenté de mettre à jour l'incompatibilité qu'il
y a entre cette loi et la Convention Européenne de la sauvegarde
des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales relatives à
la liberté d'expression. En effet, l'article 9 conditionne
les propos de chacun à leur validité, de plus l'article
6 exige un procès équitable ce qui nécessite de juger
non seulement en droits mais aussi en faits. Une autre contradiction
était soulevée par François-Xavier Verschave avec
le Tribunal Pénal International : le paradoxe vient du fait que
"au moment où la France vient de ratifier les statuts de la
cour pénale internationale qui oblige à poursuivre les crimes
contre l'humanité, même commis par les chefs d'États
étrangers... Avec le recours au délit d'offense on ne peut
pas en parler " (2).
Ce qu'il est important
de souligner c'est l'ampleur du procès : plus que le procès
de François-Xavier Verschave ou de l'association Survie et de leur
dernière publication Noir Silence, c'est le procès de
la Françafrique qui a commencé à avoir lieu.
Le procès, malgré ses brefs délais (trois jours),
fut l'occasion pour la défense d'y décrire les mécanismes
de corruption et de népotisme dans trois Etats africains qui peuvent
servir de cas d'école dans le fonctionnement de la Françafrique.
C'est effectivement ce qui eu lieu puisque Bernard Langlois écrivait après le procès que "trois jours de débat public devant un tribunal français auront en effet permis aux militants de Survie, à leurs témoins, à leurs avocats, de braquer les projecteurs sur les crimes et les turpitudes de régimes sans foi ni loi qui ne se maintiennent que par la corruption et la terreur, hélas alliés à la complaisance de la république française.(3) Pendant les trois jours de procès (28 février, 6 et 7 mars) de nombreux témoins (une vingtaine) ont pu intervenir au nom de la défense afin de décrire les tortures ou les exactions dont ils ont été les témoins. Par exemple Georges Kimbembe, témoin direct des massacres et violences en série de la région du Pool. Il a vu les hélicoptères au sigle de l'ONU passer au-dessus des forêts afin d'en faire sortir un les hordes de réfugiés affamés où il se cachait pour ensuite mitrailler à loisir. Il justifie ainsi un passage de l'ouvrage Noir silence contesté par les plaignants : " Mi-juin, les hélicoptères de combat du camp gouvernemental bombardent les populations des villes Makaban, Sibiti et de quelques villages environnants. Ce bombardement a été précédé par le survol d'avions peints aux couleurs de la Croix-Rouge et de l'ONU. S'attendant à recevoir de l'aide alimentaire, les habitants affamés sont sortis de la forêt qui ont subits l'attaque à découvert. Les avions précurseurs ont-ils été "empruntés, maquillés, détournés de leur objet ? Et ces hélicoptères blancs, siglés ELF, qui aurait carrément bombardé des villages début juin ? L'utilisation de ces sigles et logos se sont l'objet de trop de témoignages, elle est si choquante, ou provocante, qu'elle méritait un vigoureux démenti ou des explications. (4)
Ces récits
sont autant de preuves que le procès qui a eu lieu est exemplaire
a plus d'un titre car il reconnaît la validité de tout ce
qui n'était pour l'instant vues que comme des polémiques
.
Le procès qui s'est déroulé le 28 février et le 5 et 7 mars 2001 à Paris, à la 17e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris a fait l'objet d'un silence médiatique assez inquiétant. Parmi les grands quotidiens et la presse d'information générale très peu d'articles lui ont été consacrés : on peut citer deux très courts articles dans Le Monde, quelques lignes dans le Figaro, rien dans le journal La Croix, un article dans Ouest France et la couverture audiovisuelle s'est résumée à une minute sur Canal+.
En revanche si la couverture médiatique de l'événement a fait défaut, la participation d'autres sources d'information plus "informelles " et de l'ensemble de la société civile en général ont été massives. C'est sur Internet qu'ont été diffusés la plupart des textes soutenant Verschave dans son procès. L'association Survie a d'ailleurs fait circuler une motion de soutien en faveur de la défense, elle appelait à soutenir les inculpés, à demander leur relaxe et à se prononcer pour la suppression du "délit d'offense à chef d'État " du code pénal français. L'association de plus a appelé à manifester "au nom de la liberté d'expression et d'édition en France, du respect des droits de l'homme en Afrique, étudient ici des débats indispensables sur les relations Franco-africaines ". Le samedi 24 février 2001 ont eu lieu des manifestations à Paris ainsi qu'en province (Lyon, Toulouse, Strasbourg, Nancy, Grenoble) afin d'étendre le débat au sein de l'opinion publique. Lors du procès,
la salle d'audience était comble. Les débats ont longuement
porté sur les accusations qui étaient faites à l'encontre
des chefs d'Etats africains dans Noir Silence. La défense reposait
pour beaucoup sur la démonstration de la vérité des
propos. En revanche la plaidoirie des avocats de la partie civile
(Me Vergès, Me Brossolet, Me Diagne) a consisté pour beaucoup
en une série d'attaques personnelles sur la personne de François-Xavier
Verschave. Il a été tout au long du procès décrit comme étant un "sectateur des droits de l'homme [...] Qui se compare aux pionniers que leur expédition conduise vers une terre inconnue ", ils le présentent comme le " Tintin des droits de l'homme ". La partie civile va jusqu'affirmer que François-Xavier Verschave "délire. Il est paranoïaque et il se montre dangereusement démagogique, partial. C'est le roi de la désinformation ! ", il s'agit d'un "médiocre doublée d'un hypocrite ". Ils le présentent comme un homme halluciné qui croit se fait l'apôtre de la vérité. Me Vergès parle de lui dans sa plaidoirie non seulement comme d'un menteur mais aussi comme d'un "malade mental ! ". Le Verschave est pour lui un nom commun qui désigne désormais des "calomniateurs exaltés et malades". La deuxième
critique qu'apporte l'accusation contre Verschave consiste à dénigrer
sa méthode d'investigation. " Une méthode qui se caractérise
par un manque de sérieux, d'objectivité, de prudence, d'avis
contradictoires dans sa quête sans éthique d'information
avec comme conséquences des allégations ou des imputations
d'origines diverses, dont la véracité n'est jamais démontrée
" rétorque Dior Diagne.
Le jugement
Le tribunal a disqualifié la plainte des chefs d'Etats africains considérant que le délit d' "offense un chef d'État étranger " était incompatible avec les articles 6 et 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme. L'article 10 proclame que toute personne a droit à la liberté d'expression, il prévoit que l'exercice de cette liberté peut être soumis à certaines restrictions prévues par la loi. La jurisprudence prévoit que l'article 6 de la loi du 29 juillet 1881 délimite les abus de cette liberté. Toutefois le tribunal a considéré que l'article 36 protège les chefs d'État étranger contre les offenses publiques, en instituant en leur faveur un régime exorbitant de droit commun ils bénéficient ainsi d'une protection supérieure à celle concernant le chef de l'État français lui-même. Ce régime dérogatoire est apparu de nature à faire obstacle à la liberté d'expression. De plus l'offense incriminée par l'article 36 n'est pas défini par la loi et elle correspond à une formule floue, d'interprétation mal aisée. Enfin, l'article 6 proclame le principe d'égalité des armes entre les parties. Or l'interdiction qui est faite au prévenu leur apporter la preuve de la vérité des faits diffamatoires contrevient à ce principe.
En guise de conclusion
Ce qui
est en train de voir le jour, c'est l'espoir de voir un continent africain
enfin libéré de la tutelle occidentale et pouvant accéder
à l'autonomie. François-Xavier Verschave est de ceux qui
nourrissent cet espoir : " je rêvais aussi, nous rêvons,
en France, en Europe, en Afrique, de femmes et d'hommes qui se souviennent
de leur métier de citoyens. (8)
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12-12-2005
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