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Noir Silence. Qui arrêtera la Françafrique?, Les Arènes, 2000, 600p.

Pour comprendre la logique d'un monde absurde: la Françafrique. Comment en finir avec un aussi noir silence?

La publication de Noir silence a valu à François-Xavier Verschave d'être poursuivi en justice par trois chefs d'Etat africains cités dans son ouvrage. Ce procès, pour "offense à chef d'Etat", s'est conclu le 25 avril 2001 par une relaxe.

Pourquoi un nouvel ouvrage après la Françafrique?

Lisez notre résumé du procès pour "offense à chef d'Etat"!

Lire les lettres d'accusation des chefs d'Etat africains

Lire le jugement du procès!

Le procès lu dans la Presse...

 


 

Noir Silence. Qui arrêtera la Françafrique?

Noir Silence, c'est avant tout la continuation de ce que voulait décrire La Françafrique, mais c'est aussi le moyen de montrer que ce n'est pas, comme certains souhaitent le faire croire selon François-Xavier Verschave, de l'histoire ancienne et que les agressions continuent et se renouvellent. " Pour cela, les réseaux et lobbies mutent, comme les virus grippaux. Elf, par exemple, va se cacher sous l'écran Total. Bolloré prend partiellement le relais. Les réseaux se recomposent. On assiste à l'essor des vrais faux mercenaires. Pour en finir avec la confiscation des indépendances africaines, il fallait observer au plus prés les mutations. Ce livre est né de cette nécessité".(1)


Ce qui a motivé Verschave à écrire et à publier Noir Silence, ce sont les modifications que la Françafrique est en train de connaître. " Ce qui est en train de changer avec l'Angola, c'est que, on pourrait dire, on est en train de passer de la Françafrique à la Mafiafrique. C'est-à-dire que cet énorme système de pillage et d'exploitation du continent africain, mis en place dans les anciennes colonies françaises, est en train de rejoindre d'autres systèmes parallèles, qu'ils soient américains, anglais, brésilien et surtout russes ".

(1) Noir silence, p.10.

 


 

 

Le récit d'une polémique

 

Le précédent ouvrage de François-Xavier Verschave - La Françafrique, le plus long scandale de la République - publié en 1998 avait valu à son auteur un procès diffamation par Charles Pasqua. Il était donc prévisible que suite à la parution de Noir Silence un procès similaire soit tenté à Verschave. Il déclara d'ailleurs : " Nous nous attendions à de telles actions sur Noir Silence, mais vrai dire, je les attendais davantage en France ".

Les présidents du Tchad, Idriss Déby qualifié d'" assassin invétéré ", du Gabon, Omar Bongo présenté comme un " dictateur criminel, qui plus et mafieux " et du Congo Brazzaville, Denis Sassou Nguesso accusé de complicité dans l'attentat du DC 10 au-dessus de Térré en 1989 qui a fait 160 victimes et de crimes contre l'humanité dans le cadre de l'exercice du pouvoir, ont déclenché une procédure pour " offense à chefs d'État ". Ceux-ci ont décidé en juin 2000 d'écrire sous la plume de Me Vergès au responsable de la diplomatie française, Hubert Védrine, pour lui demander l'application de la loi de 1880 qui réprime l'atteinte à la dignité de chefs d'État, qu'ils soient français ou étrangers.

Les procès intentés par les trois chefs d'État africains ne sont d'ailleurs pas les seules attaques que François-Xavier Verschave a eues sur ce livre puisque deux attaques en diffamation ont été lancées. Une de Jacques Bidalou, ancien juge, qui lui reproche d'être cité dans le livre, ainsi que Arcadi Gaydamak, un ex milliardaire franco-russe qui serait impliqué dans un trafic d'armes en Angola, qui a porté plainte contre Noir Silence. L'affaire devait être plaidée le 20 mars, mais comme le plaignant est en fuite...

Nous allons tenter de présenter la polémique mais aussi paradoxalement, le silence qui ont entouré la sortie de Noir Silence.

Une plainte pour " offense à chef d'Etat "


La plainte présentée par Me Vergès au nom des trois chefs d'états africains repose sur l'article 36 de la loi du 29 juillet 1881. Celle-ci traduit l'héritage de l'offense publique envers la personne du roi, plus connu sous le nom de "crime de lèse-majesté " traduite par la loi de 17 mai 1819. L'article 36 de la loi de 1881 associe les chefs d'État étranger à cette protection juridique. Elle énonce que "l'offense commise publiquement envers les chefs d'État étranger, les gouvernements étrangers et les ministres des affaires étrangères d'un gouvernement étranger sera puni d'une amende de 300 000 F. "


Le procès et les débats qui ont eu lieu ont conduit à la remise en cause de cette loi. Une proposition de loi a d'ailleurs été présentée par Michel Dreyfus-Schmidt à l'Assemblée Nationale .
François-Xavier Verschave et son éditeur, Laurent Beccaria, risquaient une condamnation de un an de prison ferme, assortie de 300 000 F d'amende pour chacune des trois plaintes, nonobstant les dommages et intérêts que les plaignants qui se sont constitués partie civile pourraient réclamer.

La procédure engagée par les trois chefs d'états africains a été faite au nom "d'offense à chefs d'Etats " et non pas au nom de la diffamation. Cette différence a sur le plan juridique de fortes répercussions puisqu'en matière de délit d'offenses, la jurisprudence soutient que les preuves sont interdites, que se soient des témoignages ou des documents pour démontrer la vérité des faits et pour prouver la bonne foi. À l'inverse si les chefs d'État avaient porté plainte pour diffamation, ils auraient eu l'obligation d'apporter les preuves de la fausseté les affirmations de François-Xavier Verschave.
" Dans le délit de diffamation qui correspond à l'atteinte portée à l'honneur et à la dignité d'une personne, il est toujours possible au prévenu d'apporter l'exceptio veritatis, c'est-à-dire de rapporter la preuve de la vérité des propos allégués ce qui l'exonère de toutes peines " (1). Le but du procès était donc selon les défenseurs de censurer toutes informations ou opinions sur les relations franco-africaines. Il s'agit donc avant tout d'un procès politique. François-Xavier Verschave y a vu une "tentative de censure " et la volonté de "mettre à genoux " la maison d'édition qui l'a publié, Les Arènes.

L'accusation tenta de prendre la défense de l'article 36, "ce texte ne prive personne du droit de contester ou de décrire les comportements publics des chefs d'État étranger. Il n'abolit donc par la liberté d'expression, mais comme beaucoup d'autres textes de la loi de 1880, il en définit les limites. " De plus, le fait que le délit d'offense ne repose pas sur la validité des accusations comme pour le délit de diffamation n'entraîne pas pour l'accusation la condamnation immédiate du prévenu, en effet "la jurisprudence estime que l'intention de nuire n'est pas présumée. L'accusation, dans notre procès, doit faire la preuve de l'élément intentionnel, comme au demeurant celle de l'élément matériel. Les prévenus ont toute latitude de convaincre les juges que les actes poursuivis ont été commis sans la moindre intention de nuire. Indépendamment de la vérité de fait, ils conservent la possibilité de démontrer leur bonne foi " .

Les débats se sont portés sur la mise en question de ce délit d'offense. Cette notion est selon Marie-Hélène Aubert "sans véritable définition juridique " et "résulte d'une appréciation aussi subjective que hasardeuse ". À cette occasion Marie-Hélène Aubert a posé une question écrite à la ministre de la Justice sur l'opportunité de maintenir cet article dans le code pénal français: " les auteurs de propos qualifié "d'offensant " pour les chefs d'états étrangers peuvent être poursuivis en France plus sévèrement que s'ils diffèrent mais n'importent quelle autorité constituée, puisque la jurisprudence montre que les offenses peuvent concerner aussi bien la vie, privée ou non, que les fonctions actuellement exercées et qu'aucune n'est prévue ". Celle-ci a demandé son abrogation, qualifiant la loi de "désuète et dangereuse", elle a fait valoir qu'elle aurait permis à des tyrans comme Milosevic de "faire poursuivre leurs détracteurs en France par les tribunaux français ".


Pour l'accusation, le délit d'"offense à un chef d'État" n'est pas une notion vague, il désigne "toute expression offensante ou de mépris, toute imputation diffamatoire mensongère de nature à atteindre le chef de l'État pour son honneur et dans sa dignité ". Me Diagne se réclame du doyen Carbonnier pour qui "la loi ne défend ni le talent ni la célébrité, mais l'honneur, la dignité et la considération. "

 

La défense adoptée par François-Xavier Verschave


Face aux accusations de la partie civile François-Xavier Verschave et son éditeur ont adopté une double de la stratégie de défense. D'une part, ils ont tenté de prouver l'incompatibilité de l'article 36 de la loi de 1881 avec le reste de la législation et d'autre part, ils ont essayé de prouver la validité de leur propos.

Ils ont tout d'abord tenté de mettre à jour l'incompatibilité qu'il y a entre cette loi et la Convention Européenne de la sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales relatives à la liberté d'expression. En effet, l'article 9 conditionne les propos de chacun à leur validité, de plus l'article 6 exige un procès équitable ce qui nécessite de juger non seulement en droits mais aussi en faits.

Une autre contradiction était soulevée par François-Xavier Verschave avec le Tribunal Pénal International : le paradoxe vient du fait que "au moment où la France vient de ratifier les statuts de la cour pénale internationale qui oblige à poursuivre les crimes contre l'humanité, même commis par les chefs d'États étrangers... Avec le recours au délit d'offense on ne peut pas en parler " (2).
Leur seconde stratégie de défense reposait sur la démonstration de la vérité. Celle-ci devait conduire à deux possibilités, selon la défense : ou bien le tribunal condamnait l'expression de la vérité en contradiction avec les traités internationaux, ou bien elle relaxait la défense.



Le procès ou la mise a l'épreuve des faits

Ce qu'il est important de souligner c'est l'ampleur du procès : plus que le procès de François-Xavier Verschave ou de l'association Survie et de leur dernière publication Noir Silence, c'est le procès de la Françafrique qui a commencé à avoir lieu. Le procès, malgré ses brefs délais (trois jours), fut l'occasion pour la défense d'y décrire les mécanismes de corruption et de népotisme dans trois Etats africains qui peuvent servir de cas d'école dans le fonctionnement de la Françafrique.
François-Xavier Verschave déclarait d'ailleurs, peu avant le jugement, "ce sera l'occasion d'exposer les trois régimes, du Gabon, du Tchad et du Congo Brazzaville, et de faire, en quelque sorte procès de la Françafrique. Nous avons déjà reçu, par intérêt intermédiaire de la motion de soutien que nous faisons circuler, de nombreux témoignages d'africains qui voient dans ces procès une incroyable chance de dénoncer les relations franco-africaines. ".

C'est effectivement ce qui eu lieu puisque Bernard Langlois écrivait après le procès que "trois jours de débat public devant un tribunal français auront en effet permis aux militants de Survie, à leurs témoins, à leurs avocats, de braquer les projecteurs sur les crimes et les turpitudes de régimes sans foi ni loi qui ne se maintiennent que par la corruption et la terreur, hélas alliés à la complaisance de la république française.(3)

Pendant les trois jours de procès (28 février, 6 et 7 mars) de nombreux témoins (une vingtaine) ont pu intervenir au nom de la défense afin de décrire les tortures ou les exactions dont ils ont été les témoins. Par exemple Georges Kimbembe, témoin direct des massacres et violences en série de la région du Pool. Il a vu les hélicoptères au sigle de l'ONU passer au-dessus des forêts afin d'en faire sortir un les hordes de réfugiés affamés où il se cachait pour ensuite mitrailler à loisir. Il justifie ainsi un passage de l'ouvrage Noir silence contesté par les plaignants : " Mi-juin, les hélicoptères de combat du camp gouvernemental bombardent les populations des villes Makaban, Sibiti et de quelques villages environnants. Ce bombardement a été précédé par le survol d'avions peints aux couleurs de la Croix-Rouge et de l'ONU. S'attendant à recevoir de l'aide alimentaire, les habitants affamés sont sortis de la forêt qui ont subits l'attaque à découvert. Les avions précurseurs ont-ils été "empruntés, maquillés, détournés de leur objet ? Et ces hélicoptères blancs, siglés ELF, qui aurait carrément bombardé des villages début juin ? L'utilisation de ces sigles et logos se sont l'objet de trop de témoignages, elle est si choquante, ou provocante, qu'elle méritait un vigoureux démenti ou des explications. (4)


Ou encore Patrice Yengo, universitaire congolais, qui explique le caractère tribal des affrontements en Afrique par le fait que les chefs de guerre avaient "besoin d'une mobilisation ethnique pour suppléer l'absence de toute base sociale ". M.Yaronga, député tchadien qui comparu en fauteuil roulant, le dos brisé par les tortures subis, put décrire le régime de terreur dans lequel vit son pays. Enfin le témoignage de Mongo Betti, professeur retraité, libraire à Yaoundé qui démontra le "système Bongo" devant la cour en parlant d'association mafieuse de syndicats du crime.

Ces récits sont autant de preuves que le procès qui a eu lieu est exemplaire a plus d'un titre car il reconnaît la validité de tout ce qui n'était pour l'instant vues que comme des polémiques .
Lors de sa plaidoirie Me N'Thepo a fait valoir que "ce procès n'est pas vécu en Afrique comme celui de M.Verschave mais comme celui de trois chefs d'états africains qui font le malheur de leurs peuples. S'en est fini de l'Afrique des années 50, qui comptait à peine quelques dizaines de bacheliers. Nos peuples ont acquis un niveau d'instruction et de conscience plus élevée. Ils aspirent eux aussi, à la démocratie, à la philosophie des lumières. Les "3 E" doivent le comprendre. Qu'ils prennent désormais pour partenaire des interlocuteurs qui soient des hommes propres ! C'est tout cela, toutes ses souffrances, et aussi cette exigence universelle pour le progressisme, la philosophie des Lumières que je viens déposer sur votre cher ".


Le déroulement du procès

Le procès qui s'est déroulé le 28 février et le 5 et 7 mars 2001 à Paris, à la 17e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris a fait l'objet d'un silence médiatique assez inquiétant. Parmi les grands quotidiens et la presse d'information générale très peu d'articles lui ont été consacrés : on peut citer deux très courts articles dans Le Monde, quelques lignes dans le Figaro, rien dans le journal La Croix, un article dans Ouest France et la couverture audiovisuelle s'est résumée à une minute sur Canal+.


L'absence de couverture médiatique choque d'autant plus que l'actualité politique récente, comme la mise en examen de Jean-Christophe Mitterrand, porte sur le devant de la scène les affaires franco-africaines. Jean-Christophe Mitterrand incarne pour François-Xavier Verschave de multiples symboles : "d'abord celui de la continuité transpartisane du système de dépendance occulte mis en place par Foccart [...]. Il est aussi le symbole de la dégradation de ce système.[...] On s'est enfoncé dans la privatisation du domaine réservé. " Toutefois Verschave relativise sa mise en examen : " Ce n'est pas quelqu'un du top ten de la Françafrique. Il est devenu un intermédiaire commode pour les potentats africains. Mais, il n'est pas de ceux qui pilotent le système. On pourrait dire que par rapport à la montagne, les juges[...] ont trouvé une première prise suffisante et médiatique pour qu'on étouffe pas l'affaire ".


Un observateur témoigne du fait que "de toute évidence Verschave et Survie dérangent et dérangent beaucoup, ce qui semble entraîner un sentiment de gêne (ou de mauvaise conscience) chez beaucoup de journalistes. Réaction viscérale et réflexe à la limite de l'inconscient (ou de l'inconscience) qui s'explique en partie par les rapports parfois incestueux qu'entretient une certaine presse avec le pouvoir politique et financier, et en partie par un obscur sentiment d'hostilité envers quelqu'un qui "occupe " en quelque sorte, un terrain que les journalistes considèrent comme le leur "(5) . Le mythe de la prétendue neutralité de certains médias comme le journal Le Monde est battue en brèche, certains ouvrages en faisaient déjà mention au sujet de précédents dossiers africains comme à l'occasion du génocide du Rwanda . (6)

En revanche si la couverture médiatique de l'événement a fait défaut, la participation d'autres sources d'information plus "informelles " et de l'ensemble de la société civile en général ont été massives. C'est sur Internet qu'ont été diffusés la plupart des textes soutenant Verschave dans son procès. L'association Survie a d'ailleurs fait circuler une motion de soutien en faveur de la défense, elle appelait à soutenir les inculpés, à demander leur relaxe et à se prononcer pour la suppression du "délit d'offense à chef d'État " du code pénal français. L'association de plus a appelé à manifester "au nom de la liberté d'expression et d'édition en France, du respect des droits de l'homme en Afrique, étudient ici des débats indispensables sur les relations Franco-africaines ". Le samedi 24 février 2001 ont eu lieu des manifestations à Paris ainsi qu'en province (Lyon, Toulouse, Strasbourg, Nancy, Grenoble) afin d'étendre le débat au sein de l'opinion publique.

Lors du procès, la salle d'audience était comble. Les débats ont longuement porté sur les accusations qui étaient faites à l'encontre des chefs d'Etats africains dans Noir Silence. La défense reposait pour beaucoup sur la démonstration de la vérité des propos. En revanche la plaidoirie des avocats de la partie civile (Me Vergès, Me Brossolet, Me Diagne) a consisté pour beaucoup en une série d'attaques personnelles sur la personne de François-Xavier Verschave.

Il a été tout au long du procès décrit comme étant un "sectateur des droits de l'homme [...] Qui se compare aux pionniers que leur expédition conduise vers une terre inconnue ", ils le présentent comme le " Tintin des droits de l'homme ". La partie civile va jusqu'affirmer que François-Xavier Verschave "délire. Il est paranoïaque et il se montre dangereusement démagogique, partial. C'est le roi de la désinformation ! ", il s'agit d'un "médiocre doublée d'un hypocrite ". Ils le présentent comme un homme halluciné qui croit se fait l'apôtre de la vérité. Me Vergès parle de lui dans sa plaidoirie non seulement comme d'un menteur mais aussi comme d'un "malade mental ! ". Le Verschave est pour lui un nom commun qui désigne désormais des "calomniateurs exaltés et malades".

La deuxième critique qu'apporte l'accusation contre Verschave consiste à dénigrer sa méthode d'investigation. " Une méthode qui se caractérise par un manque de sérieux, d'objectivité, de prudence, d'avis contradictoires dans sa quête sans éthique d'information avec comme conséquences des allégations ou des imputations d'origines diverses, dont la véracité n'est jamais démontrée " rétorque Dior Diagne.
Il lui est reproché notamment de ne pas révéler certaines de ses sources volontairement ou de se fonder sur certaines déclarations sans les vérifier pour autant. Il est vrai que François-Xavier Verschave ne justifie pas chacune de ses affirmations, cela peut s'expliquer par l'intensité et la quantité de son propos. Justifier chaque affirmation et chaque accusation relèvent des danaïdes. De plus, le sens du propos se trouverait noyé dans les références.


En revanche, on peut noter que loin d'être un ouvrage purement polémique, il est marqué par la préoccupation de son auteur de justifier ces principales accusations. Il se préoccupe également de recouper ses sources d'information qui sont par ailleurs très diverses (presse quotidienne et généraliste d'information, communication officielle des ambassades ou des ministères, communiqué des organismes internationaux ou des O.N.G., billets et presse spécialisé sur l'Afrique). Cette diversité et cette richesses du matériau d'investigation s'expliquent par le nombre de personnes impliquées dans ce travail de recherche. Rien ne justifie la critique faite par la partie civile à François-Xavier Verschave : " On est en droit de se demander si M. Verschave s'est contentée, à l'aide d'une paire de ciseaux et d'un pot de colle, de collecter tous les articles consacrés à l'Afrique pour nous en donner une compilation mal digérée".

 

Le jugement


Le jugement du procès fut rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 25 avril 2001. Il a relaxé François-Xavier Verschave et Laurent Beccaria.

Le tribunal a disqualifié la plainte des chefs d'Etats africains considérant que le délit d' "offense un chef d'État étranger " était incompatible avec les articles 6 et 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme. L'article 10 proclame que toute personne a droit à la liberté d'expression, il prévoit que l'exercice de cette liberté peut être soumis à certaines restrictions prévues par la loi. La jurisprudence prévoit que l'article 6 de la loi du 29 juillet 1881 délimite les abus de cette liberté.

Toutefois le tribunal a considéré que l'article 36 protège les chefs d'État étranger contre les offenses publiques, en instituant en leur faveur un régime exorbitant de droit commun ils bénéficient ainsi d'une protection supérieure à celle concernant le chef de l'État français lui-même. Ce régime dérogatoire est apparu de nature à faire obstacle à la liberté d'expression. De plus l'offense incriminée par l'article 36 n'est pas défini par la loi et elle correspond à une formule floue, d'interprétation mal aisée. Enfin, l'article 6 proclame le principe d'égalité des armes entre les parties. Or l'interdiction qui est faite au prévenu leur apporter la preuve de la vérité des faits diffamatoires contrevient à ce principe.

 

En guise de conclusion


La victoire de l'association Survie à travers ce procès représente un événement historique car il symbolise avant tout l'échec de tout un pan du système de la Françafrique. Le front de résistance est en train de s'élargir considérablement en France comme en Afrique.


A la question " Qui arrêtera La Françafrique ? ", François-Xavier Verschave répond : " Les Africains d'abord, bien sûr ! La Françafrique ne perdure qu'avec la complicité de certains d'entre eux, la patience ou le fatalisme du plus grand nombre. Une majorité d'africains vivent quotidiennement dans leur corps et leur esprit les dégâts du système. D'où l'importance des figures africaines de la résistance, vivant exemple de l'absurdité de se mépris : elles catalysent une confiance cumulative, elle donne l'intuition de ces valeurs bêta politiques qui permettront aux africains d'exposer, dans un monde jusqu'ici hostile, leur propre conception de la légitimité et du bien commun. En Europe et surtout en France, la mobilisation est plus difficile. Le bruit qui nous en parvient est feutré, biaisée.(7)

Ce qui est en train de voir le jour, c'est l'espoir de voir un continent africain enfin libéré de la tutelle occidentale et pouvant accéder à l'autonomie. François-Xavier Verschave est de ceux qui nourrissent cet espoir : " je rêvais aussi, nous rêvons, en France, en Europe, en Afrique, de femmes et d'hommes qui se souviennent de leur métier de citoyens. (8)


 

(1) Proposition de loi nº 234 présentés par Michel Dreyfus-Schmidt (Rhône, PS)

(2) Entretien avec Verschave et Enrico Porsia du 19 février 2001 publiée sur http://www.amnistia.net.

(3) Politis, 15/03/01.

(4) Noir silence, p.30.

(5) L'observatoire de l'Afrique centrale, nº 10, 5-11/03/01.

(6) Jean Paul Gouteux, Le Monde un contre pouvoir ?, 1999, 202p.

(7) Noir silence, p.556.

(8) Noir silence, p.556.

 

 

 

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